Chômage et difficultés d’insertion : jeunesse, le plus bel âge ?

« Si je reçois le mandat du pays d’être le prochain président, je ne veux être jugé que sur un seul objectif : (…) est-ce que les jeunes vivront mieux en 2017 qu’en 2012 ? Je demande à être évalué sur ce seul engagement, sur cette seule vérité, sur cette seule promesse ! (…) Ce n’est pas un engagement à la légère que je prends. C’est pour mobiliser toute la nation par rapport à cet enjeu ». Le Monde du 31 Juillet 2013. C’est ainsi que François Hollande se prononçait lors d’un meeting au Bourget (Janvier 2012) pour des engagements forts en faveur de la jeunesse quelques mois avant son élection à la Présidence de la République en Avril 2012. La situation des jeunes français (alors similaire à celle des jeunes européens) porte toujours des caractéristiques très défavorables en termes d’insertion sur le marché du travail. Au niveau français, le taux de chômage des jeunes (ici : les moins de 25 ans, source Eurostat) a crû de 22 à 24% de 2006 à 2012 (contre 17%,7 à 23.7% au niveau européen en moyenne), ce qui représente un taux de chômage près de 2.5 fois supérieur au taux de chômage français global moyen (qui est lui très proche de la moyenne européenne).

Chômage et qualité de l’emploi des jeunes

Un récent Bref’ du Cereq (2015) fait un point global sur la situation des jeunes sur le marché du travail, faisant le double constat à l’échelle européenne (en moyenne) : d’une augmentation du chômage des jeunes depuis la crise, d’une qualité de l’emploi qui se dégrade, sur la période 2006-2012. Le lien qui pourrait exister entre chômage et qualité de l’emploi est ambivalent car il peut théoriquement provenir de deux mécanismes jouant en sens inverse :

– La crise augmente le chômage et dégrade la qualité des emplois en réduisant le pouvoir de négociation des travailleurs.

– La hausse du chômage avec la crise entraine d’abord une destruction d’emplois du marché dit « secondaire », c’est-à-dire le moins protégé (aux emplois moins bien rémunérés, plus précaires car plus sensibles à la conjoncture), ce qui augmente la qualité moyenne des emplois dans l’économie.

A partir des données d’évolution du chômage et de la qualité de l’emploi des jeunes (voir la publication du Cereq pour une notice méthodologique expliquant la construction de l’indicateur de cette qualité) sur 2006-2012, il est ainsi distingué trois groupes de pays, certains pays étant en position plus ‘intermédiaire’ comme l’Estonie voire l’Italie (voir la figure 1) :

– Ceux où il y a eu baisse du chômage conjuguée à amélioration de la qualité de l’emploi : Allemagne, Autriche, Belgique, Pologne (zone entourée en vert).

– Ceux caractérisés par une très nette hausse du chômage couplée à une détérioration de la qualité des emplois ; notamment Irlande, Grèce, Espagne, Portugal (zone entourée en rouge).

– Ceux où l’augmentation du chômage s’accompagne d’une stabilité de la qualité de l’emploi : par exemple, France, Pays-Bas, Finlande (zone entourée en bleu).

Au final, l’inexistence de pays dans le quadrant « Sud-Est » (figure 1) souligne qu’il n’y a pas de pays qui ont connu « une baisse du chômage au prix d’une dégradation de la qualité des emplois ».

 Figure 1 : Chômage et qualité de l’emploi (2006-2012, source : Cereq, 2015)

 Chômage et difficultés d’insertion : jeunesse, le plus bel âge ?

 

Sécuriser les parcours d’insertion des jeunes

Un très récent avis du Conseil Economique, Social et Environnemental (25 mars 2015) attire l’attention sur la nécessité d’instaurer une plus grande sécurisation des parcours de jeunes suite au constat d’une précarisation croissante de la jeunesse, multidimensionnelle (voir la figure 2 ci-après). Le CESE y reconnait l’avancée de la Garantie Jeunes, mise en œuvre de l’initiative européenne Youth Guarantee (proposée par la Commission européenne en décembre 2012, et adoptée au niveau du Conseil Européen du 23 avril 2013). La Garantie Jeunes a été introduite en France en janvier 2013 dans le cadre du Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Cependant, le CESE « rappelle (…) l’urgence d’une véritable politique de la jeunesse » et réclame une attention « sur la sécurisation des parcours d’insertion professionnelle des jeunes comme cela a été mené pour les parcours professionnels ».

Le CESE émet plusieurs préconisations, que nous reprenons de manière synthétique ici :

– Garantir à chaque jeune un accompagnement dans son parcours vers la vie active (passant par notamment par l’établissement de la ‘Garantie Jeunes’ comme droit).

– Permettre l’accès des jeunes à de nouveaux droits (passant entres autres par l’ouverture de la prime d’activité aux jeunes ayant un contrat de travail, et par rendre effectif le droit à la qualification et à la formation).

– Etendre le champ de la protection sociale individuelle des jeunes et garantir l’effectivité de l’accès à ces droits (en matière de santé comme de logement).

– Mener une Politique de la Jeunesse concertée, réduisant le non-recours aux droits.

 Figure 2 : infographie du CESE sur la situation des jeunes français (« Constat : des données alarmantes »)

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Des besoins socio-économiques mais aussi de représentativité politique plus importants

La jeunesse n’est pas qu’un mot, force est de constater que les ‘jeunes’ cumulent aussi bien en France qu’en Europe nombre de désavantages, que ceux-ci soient liés à l’accès au logement, au statut sur le marché du travail, mais également en termes de représentativité politique. Ainsi, Louis Chauvel souligne dans une étude se basant sur les ‘cohortes’ de naissance la faiblesse de la représentation politique des jeunes parmi les députés qu’il résume ainsi : « L’Assemblée nationale de 1981 comptait un député de moins de 40 ans pour un député de plus de soixante. En 2007, si nous comparons les mêmes groupes d’âges, pour un junior, nous comptons neuf seniors ».

Un rapport d’Eurofound (2012) portant sur les NEETs (Not in Education, Employment or Training), jeunes ‘ni en emploi, ni en éducation, ni en formation’ soulignait notamment les coûts sociaux (non-monétaires) d’une large population de NEETs qui passent par une perte de vitalité de la démocratie et par une moindre participation au système politique.

Les avancées permises par de nouveaux droits économiques et sociaux sont sans doute indispensables, mais cela est-il suffisant ? Pour de plus fortes avancées, une plus forte place des jeunes dans la ‘représentation nationale’ et donc de leur influence sur les lois est souhaitable : sans doute qu’une répartition plus équilibrée des âges au niveau des Parlements français mais aussi européen, permettrait une meilleure prise en compte des demandes et des besoins de participation politiques (réels ou latents) des jeunes générations et un débat plus égalitaire entre générations. Parmi les 60 engagements de François Hollande pour la Présidentielle, 13 ciblaient la jeunesse, dans la ‘catégorie’ Je veux redonner espoir aux nouvelles générations. Il eût sans doute été souhaitable de rajouter un engagement favorisant la représentativité politique des jeunes, pour avoir une France plus ‘intergénérationnelle’ et plus juste. Actuellement, il serait intéressant de mettre en place des mesures qui par exemple limiteraient les mandats dans le temps des parlementaires.

 



Nicolas Fleury