Cop21 : le diable ne se cache toujours pas dans les détails

Quelques éléments partagés mais non contraignants

Les 196 entités qui constituent autant de Parties à la CoP21 (pour en savoir plus, lire ici) ne parviennent toujours pas à s’entendre sur la vision de long terme vers laquelle il conviendrait d’aller pour éviter le pire. Il serait cependant faux de dire que rien n’avance. Au lendemain de la première réunion de restitution des discussions politiques au Bourget, il semblerait qu’un accord soit possible sur un plafond de réchauffement de 1,5°C à 2°C, vers lequel devraient tendre les émissions mondiales à l’horizon 2100. Cela aurait pu constituer une victoire pour les Etats les plus vulnérables, mais le texte ne sera pas contraignant. La révision tous les cinq ans des « engagements » de limitation des émissions en fonction des progrès technologiques, ou d’éléments plus conjoncturels (l’éclatement d’une bulle spéculative et la crise financière et économique qui s’en suivrait ?), est un progrès, au moins temporaire. La reconnaissance par les Etats les plus développés de leur responsabilité historique dans les changements climatiques constitue une autre avancée. Par-là, ils acceptent leur devoir de payer davantage que les Etats plus récemment industrialisés mais sans contrainte d’engagements. Enfin, les Etats considèrent que l’adaptation aux changements climatiques est aussi importante que la limitation (l’« atténuation » dans le jargon onusien) des émissions de gaz à effet de serre. Pour le reste, notamment tout ce qui concerne la mise en œuvre des solutions au réchauffement climatique (financements, transferts de technologies, etc.), ainsi que le statut juridique de l’accord de Paris, les négociations piétinent.

Des éléments fondamentaux délaissés dans la vision de long terme

Revenons à la vision de long terme, dans laquelle les Parties définissent la ligne d’horizon et les éléments à prendre en compte pour y parvenir, notamment la nécessité de respecter les droits des populations autochtones, celle de l’égalité des femmes et des hommes, de l’importance des droits humains, la biodiversité et le besoin d’une transition juste et du respect du travail décent. Ces éléments ne semblent pas avoir fait l’objet de débat. Pour certains, ils sont toujours entre parenthèses ; pour d’autres, ils sont relégués en annexe, ou dans le préambule, ce qui les prive de toute chance d’être pris en compte au moment de la mise en œuvre des mesures concrètes d’adaptation ou d’atténuation. Est-il raisonnable de penser que l’on pourra transformer les systèmes de production et de consommation sans penser les conditions sociales – au sens générique du terme – de ces transformations majeures ?

Une méthode « en silos » qui ne favorise pas l’interprétation du texte

Par ailleurs, la méthode choisie par Laurent Fabius, Président de la CoP, pour contraindre les diplomates à avancer garantit que des sujets sont déblayés, mais ne permet pas de savoir quelle sera l’économie du texte qui devrait être présenté aujourd’hui à 13h. En effet, le texte a été découpé en autant de sujets à traiter, mais de manière parallèle. Or le texte final sera le fruit de compromis sur chacun de ces points, les uns étant particulièrement cruciaux pour certaines Parties, tandis que d’autres le sont moins. Les Parties et les Observateurs (dont le Groupe Alpha) devraient donc découvrir cet après-midi quels sont les arbitrages qui ont été faits sur chacun des points. L’économie générale du texte leur conviendra-t-elle ? Après vingt ans de négociation climatique, le diable ne se cache toujours pas dans les détails.


Natacha Seguin