Digitalisation de l’accompagnement des demandeurs d’emploi : où en sommes-nous ?

Les besoins d’accompagnement des demandeurs d’emploi ne cessent de croître en raison de la progression continue du chômage depuis 2007. Fin février 2016, le nombre de chômeurs n’ayant exercé aucune activité s’établissait à plus de 3,5 millions (+709 500 depuis février 2012 et +1,4 million depuis février 2007).

Dans ce contexte, le service public de l’emploi cherche à mieux cibler ses ressources en les concentrant sur les publics les plus éloignés de l’emploi par la mise en place de parcours d’accompagnement différenciés. En parallèle, l’usage des technologies numériques se développe, voire s’impose, pour certains publics. Cela se traduit par des innovations qui interrogent les pratiques d’accompagnement, et ont, plus largement, des répercussions sur la recherche d’emploi et la gestion des ressources humaines. Ces questions sont abordées dans la Lettre du CEP n° 23.

Un accompagnement de plus en plus digitalisé

La digitalisation de l’accompagnement accélère les mutations du service public de l’emploi. Sur le terrain, elle se traduit par la mise en place de plusieurs outils ou dispositifs proposés par différents acteurs de l’emploi, publics comme privés, tels que l’accompagnement « 100% web », la plateforme numérique Emploi Store, les MOOC’s pour l’emploi, etc. (pour plus de précisions sur ces dispositifs, lire la Lettre du CEP n° 23).

Le recours croissant aux outils numériques ne concerne pas seulement l’accompagnement des demandeurs d’emploi, mais également la recherche d’emploi et l’appariement entre offres et demandes. Plusieurs travaux mettent en évidence des effets positifs de ces technologies sur la recherche d’emploi (pour les références, voir la Lettre du CEP n° 23).

Les enjeux de l’accompagnement numérique

La digitalisation de l’accompagnement des demandeurs d’emploi répond à différents enjeux, aussi bien pour les bénéficiaires que pour les acteurs, privés comme publics, du service public de l’emploi.

Pour Pôle Emploi, le recours au numérique répond à un besoin d’innovation. Face à l’explosion du chômage, les politiques de lutte contre le chômage, dont font partie les dispositifs d’accompagnement, se sont révélées insuffisamment efficaces. Ainsi, Pôle Emploi se doit d’expérimenter de nouvelles méthodes d’accompagnement.

Cette évolution du service public de l’emploi serait également suscitée par une adaptation aux nouveaux usages des nouvelles technologies par les bénéficiaires, en raison de leur potentiel (diversification des canaux de transmission des connaissances, autonomie accrue des utilisateurs).

L’accompagnement digitalisé permettrait de dégager davantage de temps pour les conseillers de Pôle Emploi et ceux des opérateurs privés. Ils pourraient ainsi se concentrer sur les demandeurs d’emplois qui en ont le plus besoin. La digitalisation permet alors un approfondissement de la différenciation des pratiques d’accompagnement, et un meilleur ciblage des moyens sur les publics les plus éloignés de l’emploi.

Du côté des demandeurs d’emploi, l’accompagnement à distance via les outils numériques entraînerait une réduction des coûts de recherche d’emploi, en limitant notamment les déplacements en agence.

Enfin, sur le marché de l’accompagnement, l’ouverture, par Pôle Emploi, de l’accompagnement à distance aux opérateurs privés de placement rend possible une différenciation de leur offre. Toutefois, l’étroitesse de leurs modèles économiques limite l’innovation.

Des outils non dénués de risques

Malgré les apports des technologies numériques, la digitalisation de l’accompagnement comporte certains risques. L’existence d’une fracture numérique en est un, tout le monde ne disposant pas ou ne sachant pas utiliser un ordinateur ou Internet. Mais la maîtrise de l’informatique, et l’accès à l’information qui en découle, ne garantit pas l’appropriation de cette dernière. C’est pourquoi il est essentiel de former les demandeurs d’emploi à l’utilisation de ces nouveaux outils. Au-delà de cette question de l’autonomie, un risque d’isolement existe pour les demandeurs d’emploi exclusivement accompagnés à distance.

Les technologies numériques bouleversent également l’organisation et les conditions de travail des conseillers. Leur utilisation nécessite l’acquisition de compétences spécifiques, ce qui pose la question de la formation et d’une éventuelle spécialisation des conseillers dans un accompagnement à distance. Par ailleurs, le gain de temps induit par les technologies numériques pourrait déboucher sur une réduction du temps d’accompagnement par un conseiller de façon systématique, et pas seulement pour des publics considérés comme autonomes.

Derrière ces constats propres à chaque acteur se posent des questions plus fondamentales : quelle utilisation de ces technologies pour quel public ? Quelles conséquences sur la relation de services entretenue par les conseillers avec les demandeurs d’emploi ? Ces interrogations s’inscrivent dans un questionnement plus global sur les effets d’une généralisation du numérique à l’ensemble de la société. Elles doivent donc être suivies de près afin de permettre d’éventuelles adaptations qui seraient nécessaires en raison d’obstacles engendrés par ces technologies, et de donner du sens à celles-ci lorsqu’elles en sont dépourvues.

Florine Martin