Mieux cibler l’accompagnement des demandeurs d’emploi en CSP

Créé en 2011, le CSP est un dispositif destiné aux licenciés économiques issus d’entreprises de moins de 1 000 salariés ou en redressement/liquidation judiciaire. D’une durée d’un an maximum, il permet aux candidats de bénéficier d’un accompagnement renforcé, assorti d’une allocation représentant 75% de l’ancien salaire brut du dernier emploi. Dans un contexte de baisse du nombre de licenciés économiques, le nombre d’entrants en CSP a diminué en 2014 et en 2015, mais la part des licenciés économiques accompagnés en CSP est passée de 76 à 80%. Deux études de l’Unédic et de la Dares (voir ici et ici) montrent que le CSP version « 2015 » a permis une forte amélioration du reclassement des bénéficiaires par rapport à sa version « 2011 » : la part des bénéficiaires du CSP toujours inscrits sur les listes de Pôle emploi après 12 mois a baissé de 9 points, passant de 70 % en 2014 à 61 % en 2015.

Ce résultat s’explique notamment par la personnalisation et l’intensité de l’accompagnement par rapport au droit commun. L’étude réalisée par le Centre Études & Prospective du Groupe Alpha éclaire ces aspects.

Quatre grands types d’accompagnement menés par les conseillers

Notre étude aboutit à une typologie d’accompagnements des bénéficiaires du CSP par les conseillers :

– 1. L’accompagnement d’« intermédiation ». Dans ce cas, le conseiller qui s’occupe du bénéficiaire rapproche offre et demande d’emploi. Cela peut se traduire, par exemple, par la transmission de CV à un employeur.

– 2. L’accompagnement de « soutien psychologique ». Il s’agit ici de redynamiser, de remotiver et de soutenir une personne marquée par son licenciement, de l’aider à faire le deuil de l’emploi perdu.

– 3. L’accompagnement « procédural ». Dans ce cas, il y a prépondérance de la partie « administrative » de l’accompagnement, prenant, par exemple, la forme d’assistance au montage de dossiers de formation pour les bénéficiaires.

– 4. L’accompagnement d’« expertise ». Ici, le conseilleur va aider le bénéficiaire à « se situer dans le temps et l’espace ». Concrètement, il peut s’agir, par exemple, pour le demandeur d’emploi de mieux connaître les spécificités du marché du travail local, mais aussi d’outiller le bénéficiaire (ex. : CV et lettre de motivation).

Un accompagnement largement orienté par le profil du bénéficiaire

Un lien entre le type d’accompagnement proposé et les caractéristiques individuelles des bénéficiaires a pu être mis en évidence, ce qui permet de parler d’une personnalisation. Ainsi, pour l’accompagnement d’intermédiation, on observe une récurrence de profils atypiques, qui vont bénéficier de manière importante de la mise en relation directe. Les personnes qui bénéficient d’un accompagnement de soutien psychologique sont souvent des seniors (plus de 55 ans) ou des personnes pour qui le licenciement économique n’est pas le premier qu’ils ont eu à subir. L’accompagnement procédural semble, quant à lui, être proposé plutôt à des demandeurs d’emploi « autonomes » dans leur recherche d’emploi (souvent entre 30 et 40 ans), des créateurs d’entreprise pour qui les démarches administratives sont nombreuses et complexes, mais aussi les personnes en reconversion professionnelle avec un projet professionnel précis. En ce qui concerne l’accompagnement d’expertise, il est mis en œuvre pour des personnes souhaitant se reconvertir ou qui possèdent un niveau de compétences inférieur aux attentes des employeurs qui doivent passer par une formation pour se remettre à niveau et réintégrer plus facilement le marché du travail.

Des canaux d’accompagnement spécifiques à chaque type de suivi

Le canal d’accompagnement correspond aux moyens ou ressources mis en œuvre afin d’assurer le type d’accompagnement proposé. En pratique, nous observons que le canal d’accompagnement varie selon le type d’accompagnement. Dans le cadre de l’accompagnement d’intermédiation, le suivi va passer par la mobilisation du réseau (professionnel comme personnel) : le conseiller doit alors comprendre la recherche de l’entreprise qui offre un poste et cibler le demandeur d’emploi et le projet qui seront en adéquation avec. Pour l’accompagnement de soutien psychologique, la remise en dynamique du bénéficiaire passe d’abord par une aide à faire le deuil de l’emploi perdu. Elle doit aussi valoriser les compétences détenues par le bénéficiaire et redonner confiance et conscience de ses capacités, par exemple dans le cadre d’ateliers collectifs. L’accompagnement procédural facilite et accélère les démarches administratives liées à certaines prestations spécifiques, qui sont parfois lourdes et complexes. Cela est particulièrement important pour le montage de dossiers de demande de formation, dans le cadre de VAE ou dans le cadre de la création d’une entreprise. Enfin, l’accompagnement d’expertise est plutôt ciblé sur des personnes qui ont une nécessité de formation ou qui se reconvertissent : il s’agit ici pour le conseiller d’ouvrir le « champ des possibles » (par exemple par la réalisation d’enquêtes métiers).

Facteurs de succès et freins possibles

Plusieurs facteurs de succès facilitant le retour à l’emploi des bénéficiaires du CSP peuvent être distingués :

– Les atouts des candidats eux-mêmes. Parmi ces atouts, ressortent d’abord de manière forte les compétences non-cognitives (ou « soft skills »), c’est-à-dire les traits de personnalité, de savoir-être, de capacité d’engagement, etc. De manière moins fréquente, on distingue aussi des atouts plutôt liés à un projet professionnel déjà bien réfléchi ou à des compétences professionnelles.

– Le « plus » apporté par le conseiller et reconnu par le candidat : son accompagnement psychologique, son aide dans les démarches administratives, son engagement, le lien ainsi créé et notamment les relations parfois amicales qui ont pu être développées, etc.

– De manière générale, le caractère pluridimensionnel de l’accompagnement, alliant formel (entretiens avec le conseiller, montage de dossiers formation, ateliers, etc.) et informel (création de réseau, relation de confiance établie avec le conseiller, sentiment de soutien, etc.). L’accompagnement, comme dans la philosophie du cahier des charges du CSP, est bien inscrit dans une dynamique de co-construction, et adapté aux besoins et à la personnalité du candidat (du « sur-mesure » de ce point de vue).

En ce qui concerne les freins au retour à l’emploi évoqués par les candidats, on observe en particulier des obstacles liés à des secteurs d’activité en déclin ou saturés (ex. communication), mais aussi des freins liés à l’âge. Il est également possible de repérer des freins liés à un déficit de compétences (en termes de niveau ou de contenu) ou des problèmes spécifiques comme les contraintes personnelles (e.g. une maladie, des problèmes de confiance en soi).

Mieux reconnaître le professionnalisme des conseillers

La contribution de l’accompagnement aux sorties positives (emploi, création d’entreprise, etc.) parait indéniable au vu des témoignages des candidats sur le rôle qu’a pu jouer leur conseiller dans la période d’accompagnement. De plus, la plus-value apportée par celui-ci dépasse le plus souvent le simple retour à l’emploi et la seule efficacité mesurable par le résultat. Il assure au bénéficiaire un repositionnement / une reconversion, et lui permet de prendre du recul tout en étant acteur de ce changement, mais aussi de retrouver confiance en lui. Les compétences du conseiller dépassent la logique purement administrative et requièrent un travail complexe, multidimensionnel et personnalisé pour fournir au candidat un accompagnement adapté à ses besoins. Au-delà d’un bon diagnostic sur les atouts et le potentiel du candidat, il est en effet nécessaire d’avoir une vision assez claire de sa personnalité, de ses préférences, ses goûts (voire de ses valeurs). Il convient également d’adopter un juste positionnement dans les relations interpersonnelles et d’ajuster le degré d’autonomie laissé aux bénéficiaires. Cette adaptation correspond à une pratique professionnelle créative nécessitant un investissement significatif du conseiller, imagination, faisant intervenir, pour chaque cas d’accompagnement, son intuition, ses propositions, sa réactivité, et l’innovation dans les outils utilisés et/ou dans la combinaison des outils mis en œuvre. C’est pourquoi l’accompagnement et le conseiller doivent être (mieux) reconnus et valorisés.


Nicolas Fleury, Florine Martin, Florence Laval